En Formule E, le début de l'ère Gen3 n'est pas marqué par la stabilité. Seule une écurie, Jaguar, jouit de la continuité avec ses pilotes Mitch Evans et Sam Bird. Du côté de DS, les changements sont nombreux.
Le partenariat avec Techeetah qui avait débouché sur deux titres des pilotes et des équipes a laissé place à une nouvelle mouture aux côtés de Penske. António Félix da Costa a été remplacé par Stoffel Vandoorne, et le directeur de DS Performance, Thomas Chevaucher, a laissé sa place à Eugenio Franzetti au 1er novembre. Le Français endosse désormais "la responsabilité des développements techniques et du support d’exploitation des programmes de Formule E pour Stellantis Motorsport".
Franzetti, s'il a principalement occupé des postes de directeur de la communication dans diverses branches de ce qu'était le groupe PSA, est loin d'être novice en sport auto, ayant géré le programme de Peugeot en Championnat d'Italie des Rallyes et "lancé le programme du retour de Peugeot au Mans". L'Italien connaissait déjà son prédécesseur, Chevaucher, ainsi que d'autres membres de l'équipe.
Estimant son intégration dans l'écurie grandement facilitée par sa passion et son enthousiasme, Franzetti est néanmoins en train de prendre ses marques dans ce championnat complexe. "Aujourd'hui, je fais toutes les réunions avec la FIA, les constructeurs, tout ça, pour comprendre un peu toutes les dynamiques", nous explique-t-il. "Avec Penske, c'est facile. Il y a des pros d'un côté comme de l'autre, on parle la même langue. L'équipe a beaucoup travaillé sur l'unité de puissance, et nous avons mis à disposition de Penske, l'équipe qui va gérer la voiture sur la piste, une unité de puissance qui est selon nous de bon niveau – on verra. Penske Autosport a la compétence pour gérer les voitures en piste. C'est un mix de personnes qui sont très professionnelles. Là aussi, le dialogue, c'est facile."

Stoffel Vandoorne (DS Penske)
Dans l'absolu, les performances d'une écurie de Formule 1 dépendent moins de la structure qui exploite les monoplaces que du groupe propulseur conçu par le motoriste. À cet égard, DS conserve une organisation similaire au sein de son usine de Satory, et c'est Penske qui l'a rejointe dans ce quartier de Versailles.
"Nous étions une équipe et un motoriste indépendant", rappelle Nicolas Mauduit, directeur d'équipe adjoint. "C'est super sur le papier, on fait ce qu'on veut, mais ça a ses limites en matière de ressources, de budget et de matériel. DS a beaucoup de personnel. C'est très onéreux de concevoir un très bon groupe propulseur – c'est ce qu'ils ont fait pour cette nouvelle voiture. Ils ont aussi de très belles infrastructures que nous n'avions pas auparavant pour tester le groupe propulseur et la voiture en général. Ils mettent beaucoup de choses sur la table et dans le partenariat pour accroître notre niveau de performance global."
En effet, Penske n'a pas eu un grand succès en tant qu'indépendant dans le championnat tout électrique. Parfois perturbée par une certaine instabilité au niveau du line-up de pilotes, la structure américaine n'a pas remporté la moindre victoire depuis qu'elle utilisait ses propres moteurs, soit lors des six dernières saisons.

Jean-Éric Vergne (DS Penske)
Ces résultats peu probants n'ont pas effrayé DS, compte tenu du pedigree de Penske en sport auto et des qualités du motoriste tricolore. "En fin de compte, nous sommes confiants sur le niveau de nos ingénieurs et donc du groupe propulseur que nous apportons", assure Eugenio Franzetti. "Penske a toujours été présent en Formule E, il est passionné, il comprend vraiment la dynamique de la Formule E. Je pense qu'avec le groupe propulseur que nous avons développé, nous pouvons compenser l'écart qu'il y a eu et créer une équipe de haut niveau. Après, on verra qui gagnera, parce que c'est toujours la compétition qui fait la différence."
Ces derniers mois, les deux parties ont donc pris leurs marques ensemble tout en apprivoisant la nouvelle monoplace. "C'est un tournant", affirme Franzetti. "Pas à pas, il faut travailler ensemble pour trouver la nuance parfaite. Nous y sommes déjà presque. Je pense que Valence a été très utile pour tout le monde : tout le monde a fait des tests privés [avant], mais là, nous avons beaucoup travaillé, nous avons un peu vu les autres, et nous avons plongé dans la vraie activité : compétition, course, test. C'est un peaufinage hyper important avant de partir à Mexico."
"Ça fonctionne très bien actuellement", se satisfait Jean-Éric Vergne. "On ne dirait pas une nouvelle équipe, bien que nous ayons un nouveau nom, un nouveau propriétaire, de nouvelles personnes dans l'équipe, de nouveaux mécaniciens qui viennent de Dragon [Penske]. Les ingénieurs sont les mêmes de mon côté. Ça paraît être la même équipe que ces cinq ou six dernières années."

Jean-Éric Vergne (DS Penske)
Vandoorne, recrue de choix
Si Jean-Éric Vergne continue l'aventure pour une sixième saison aux côtés de DS – une chez Virgin, peu fructueuse, puis quatre chez Techeetah – il est rejoint par une recrue de premier choix, le Champion du monde en titre Stoffel Vandoorne. Ce dernier retrouve chez DS Penske quelques ingénieurs et mécaniciens qu'il a côtoyés auparavant mais doit néanmoins s'acclimater après avoir passé les dernières saisons chez Mercedes.
"C'est sûr que c'est un grand changement pour moi. Venir dans une nouvelle équipe, ça demande un tout petit peu de temps d'ajustement. Je pense que ça aide déjà beaucoup que je parle la même langue. La plupart des gens sont français, j'ai pas mal l'habitude de travailler avec des équipes françaises", souligne le Belge, notamment passé par ART Grand Prix en GP2, ainsi qu'en Endurance sous la bannière SMP Racing.
"Tout est un peu différent : la façon de travailler, la façon dont on fait les débriefs, toutes les infos qu'on voit sur l'écran du volant, c'est différent de ce dont j'avais l'habitude. Ce n'est pas encore 100% naturel pour moi. Je m'habitue, mais je trouve que ça se passe très bien. C'est une équipe qui a déjà énormément d'expérience en FE, qui a eu énormément de succès aussi. On va essayer d'en rajouter un peu plus."

Stoffel Vandoorne (DS Penske)
Malgré de nombreux podiums, le top 3 du championnat a échappé aux pilotes DS Techeetah ces deux dernières saisons, pendant que Mercedes remportait les quatre titres en jeu avec Vandoorne et son coéquipier Nyck de Vries. En quoi l'ancien pilote de la marque à l'étoile, qui a désormais quitté le championnat, va-t-il pouvoir faire bénéficier sa nouvelle écurie de ses connaissances ?
"Toutes les façons de travailler, en termes de réglages, de voiture", énumère-t-il. "J'ai travaillé pendant quatre ans avec Mercedes, donc forcément, je connaissais plus ou moins tout sur la voiture. C'est une expérience qu'on prend avec nous. Après, ça reste une voiture de course, il n'y a jamais vraiment de secret. Il faut optimiser ce que tu vois, et des fois, c'est bien de voir qu'une équipe se focalise un peu plus sur une chose que sur une autre. Ce sont surtout ces expériences-là qui sont importantes."
De surcroît, Vandoorne n'est pas le seul pilote à avoir rejoint DS Penske. C'est aussi le cas du nouveau réserviste, Oliver Turvey. Ce dernier est le sixième pilote le plus expérimenté de l'Histoire en Formule E, ayant pris 88 départs en E-Prix. S'il n'a eu que peu de réussite (une pole position, un podium), le Britannique de 35 ans est très coté en raison de ses performances au volant des modestes monoplaces de l'écurie NIO. Surtout, son bagage technique est reconnu ; ce n'est pas un hasard si McLaren F1 le met à contribution comme essayeur depuis 2009 !
"Avec Oliver, on a quelqu'un de très, très bien", se satisfait Vandoorne. "Il a beaucoup d'expérience en Formule E, il a des compétences techniques de la FE, il est là depuis le début. C'est bien pour nous : moi je viens de Mercedes, Oliver vient de NIO, on a un peu des informations qui viennent de tous les coins. Je pense qu'avec les écarts tellement serrés entre les équipes, c'est important d'essayer de trouver les meilleures choses de tout le monde."
Et jusque-là, les performances de DS en essais se sont avérées plutôt prometteuses. De quoi signer un retour au sommet avec le seul duo de champions du plateau ?