Nouvelle monoplace, nouveaux pneus. Pour la troisième génération de Formule E, le championnat tout électrique a changé de manufacturier, Michelin étant remplacé par Hankook. L'objectif restait de produire des pneus pouvant être utilisés dans n'importe quelles conditions météorologiques, et de ce point de vue-là, l'objectif est atteint.
"C'est une tâche très complexe de développer des pneus pour de telles conditions", confie Benoît Tréluyer, pilote de développement de la Formule E. "La fenêtre de fonctionnement de ces pneus est très compliquée, parce qu'il faut mener les pneus de conditions très froides à des conditions très chaudes. Ils doivent être vraiment performants dans toutes les conditions. On sait combien c'est difficile."
"Les pilotes vont toujours se plaindre, car je connais les pilotes, mais il ne faut pas oublier que le plus important est que nous devons faire les pneus pour toutes les conditions. Il n'y a pas que les performances qui sont importantes : il y a l'écologie, et la durabilité du pneu. Nous avons trouvé quelque chose de très bien, les équipes vont juste devoir apprendre à travailler avec."
Il faut apprendre, en effet, car la spécification finale des pneus Hankook de Formule E (après 60 à 80 versions précédentes) se démarque nettement des gommes fournies par Michelin précédemment.
Les pneus Hankook ont pu rouler sous la pluie à Valence, le mardi après-midi
"C'est un composé plus tendre au milieu, et plus dur [à l'extérieur]", analyse Phil Charles, directeur technique chez Jaguar. "Et il y a une subtilité quand je dis ça, car lorsqu'on décrit les composés, un mot ne suffit pas. Le comportement peut être plus rigide tout en livrant davantage d'adhérence, une adhérence différente ou une rigidité différente en virage. Au sein d'un même pneu, on a deux composés qui se comportent différemment. Ce qui compte, c'est la manière dont ces deux composés sont utilisés en virage, en ligne droite, lorsqu'on tape dans les freins par rapport à quand on s'appuie dessus dans un long virage."
Ainsi, les pilotes ont du pain sur la planche. "Les Michelin avaient leurs propres spécificités à comprendre", souligne António Félix da Costa. "Nous avons tous fini par les maîtriser complètement au bout de très nombreuses années avec ces pneus. Je dis toujours à mon ingénieur pneus qu'il a le travail le plus dur de tous car comprendre les pneus est si difficile ! Nous sommes dans ce processus, il reste beaucoup de choses à découvrir. En fin de compte, ils nous jouent des tours, parfois d'une bonne manière. Mais cela fait partie du processus, et c'est un processus amusant." Norman Nato confirme : "Personne, je pense, n'a encore trouvé les réglages parfaits pour ces pneus-là."
Cependant, malgré la nuance apportée par Phil Charles, le consensus est que ces pneus sont largement plus durs que les Michelin. "Je crois que j'aurais pu faire tous les essais de Valence avec un seul train !" s'est exclamé Jean-Éric Vergne lors de la dernière journée des tests de pré-saison. "J'avais de très vieux pneus ce matin pour des tests, je voulais garder les pneus neufs pour plus tard, et en fait, je suis allé aussi vite. En termes de performance, les pneus durent très, très longtemps."
"Ce sont des pneus très durs, on peut faire deux ou trois week-ends avec", a surenchéri Sacha Fenestraz, alors que Mitch Evans a enfoncé le clou : "On peut aller jusqu'à la fin de la saison avec ces pneus. Est-ce que c'est une bonne ou une mauvaise chose, je ne sais pas, mais ils durent longtemps."
Les pneus Hankook ont été malmenés lors des essais de départ, ici avec Sam Bird (Jaguar)
Seul Sam Bird a exprimé un point de vue plus modéré : "Nous avons établi qu'il avait assurément une certaine durée de vie. Puis le niveau de performance dégringole. Il va donc y avoir différents pilotes avec différentes durées de vie des pneus en course. Et quand on atteint un certain stade, on a l'impression de piloter de la même manière, mais il y a une baisse conséquente des performances. Alors on se demande : 'Pourquoi je ne fais que ce chrono ? Je crois que je devrais aller une demi-seconde, voire une seconde plus vite'. Mais ce n'est pas le cas. Ça pourrait être assez intéressant en course."
Une chose est sûre : la dureté des nouvelles gommes n'est pas étrangère aux performances pour l'instant modestes de la Gen3. "Nous nous attendions à un peu mieux, mais j'imagine que tout le monde ici s'attendait à un peu mieux", commente Manfred Sandbichler, directeur de la compétition européenne chez Hankook. "Nous en analysons les raisons en profondeur ainsi que la manière d'y remédier."
Avec Jake Boxall-Legge