Le gigantesque plan d'investissement américain sur la transition climatique, qui établit des mesures "discriminatoires" pour les constructeurs automobiles européens, est "inacceptable" pour les Vingt-Sept, a estimé lundi le ministre tchèque de l'Industrie, dont le pays occupe la présidence tournante de l'UE.

"Je vais être direct : c'est inacceptable pour l'UE. En l'état, ce texte est extrêmement protectionniste, au détriment des exportations européennes. Il faut clarifier ce point", a souligné Jozef Sikela, en marge d'une réunion des ministres européens du Commerce à Prague, où était conviée l'ambassadrice américaine au Commerce Katherine Tai.

Pour autant, l'UE exclut pour le moment toute poursuite devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC): "À ce stade, nous nous concentrons sur une solution négociée avant de considérer d'autres options", a déclaré le commissaire européen au Commerce Valdis Dombrovskis à l'issue de la réunion.

Ratifié cet été, l'"Inflation Reduction Act" mis sur pied par Joe Biden s'affiche comme le plus gros investissement jamais décidé dans la lutte contre le changement climatique. Il prévoit 370 milliards de dollars pour la construction d'éoliennes, de panneaux solaires et de véhicules électriques.   

Une mesure en particulier hérisse les Européens : un crédit d'impôt, jusqu'à 7 500 dollars, réservé à l'acquisition d'un véhicule électrique sortant d'une usine nord-américaine avec une batterie fabriquée localement, excluant donc les automobiles produites dans l'UE.

"Nombre des subventions prévues dans le texte peuvent être discriminatoires à l'encontre des entreprises européennes dans les domaines de l'automobile, des batteries, des énergies renouvelables et des industries à forte intensité énergétique", a insisté lundi Valdis Dombrovskis.

Il a annoncé qu'un "groupe de travail" conjoint entre l'UE et les États-Unis tiendrait sa première réunion cette semaine pour tenter de répondre aux inquiétudes des Européens : "Cela ne sera pas simple à résoudre, mais on doit y parvenir", a-t-il indiqué devant la presse. "Nous savons que d'autres pays, comme le Japon et la Corée du Sud, partagent les inquiétudes de l'UE, et réfléchissent également à la meilleure manière d'approcher ce problème", a-t-il ajouté.

Pour les Vingt-Sept, "l'objectif serait d'obtenir le même statut que le Canada et le Mexique", dont la production bénéficie des mêmes avantages que celle des États-Unis dans les mesures adoptées, a précisé Jozef Sikela, notant qu'il s'agissait d'"une position de départ dans les négociations".   

Le responsable tchèque s'est dit "assez optimiste" après l'entretien de Katherine Tai avec les ministres européens à Prague : "Il y a de la bonne volonté des deux côtés", a-t-il indiqué. L'Allemagne, qui abrite les géants de l'automobile Volkswagen, BMW et Mercedes, a de son côté mis en garde il y a trois semaines contre le risque d'une "guerre tarifaire" transatlantique.

"Il est très important que nous coopérions étroitement comme des alliés stratégiques, particulièrement dans la situation actuelle", entre guerre en Ukraine et crise énergétique, a martelé Jozef Sikela, pointant que l'Europe devait approfondir ses liens avec "des partenaires fiables qui partagent ses valeurs" pour se défaire de sa dépendance "à des régimes autoritaires imprévisibles".   

Bruxelles et Washington ont eu ces dernières années plusieurs différends importants devant l'OMC, notamment sur les aides à l'avionneur américain Boeing et des droits de douane américains visant l'acier européen. (avec AFP)