Greg Maffei : La Formule 1 n'a jamais été aussi saine, selon tous les indicateurs. L'intérêt des fans est incroyablement élevé. Nous avons une grande compétition sur la piste et nous avons aidé les équipes. Lorsque nous sommes arrivés, Manor, la 11e équipe, venait d'être vendue en redressement judiciaire pour une livre. Et aujourd'hui, je ne pense pas que vous puissiez acheter une équipe pour moins de 500 millions de dollars, peut-être même 700 millions.

Vous pouvez essayer, mais ça va être difficile. C'est une incroyable augmentation de valeur. C'est en partie grâce aux choses qui ont été mises en place pour essayer de créer plus de compétition sur la piste, ce qui renforce également la prospérité de ces équipes. Il faut un écosystème sain pour que ça marche et je pense que toutes ces choses sont en train de se produire. On voit aussi l'augmentation de l’attrait des fans. À la télévision ou dans les tribunes, nous n'avions jamais eu autant de monde, donc c'est vraiment bien.

Pourquoi les meilleurs patrons de F1 pensent à un « avenir plus grand »

Stefano, l'étape clé en termes d'augmentation de la valeur des équipes a été le plafonnement des coûts, quelque chose que beaucoup pensaient ne jamais voir se réaliser en F1.

Stefano Domenicali : Absolument. Je pense que la vision de Greg, ainsi que celle de Chase [Carey], à qui nous devons rendre un grand hommage, était la nécessité d'une discontinuité par rapport à ce qui s’était passé auparavant. Et la discontinuité signifie rester professionnel avec une manière différente de voir le sport. Il s'agissait de rendre la Formule 1 durable d'un point de vue financier. Nous pouvons parler de revenus qui pourraient être plus élevés, mais le coût est quelque chose que vous avez à coup sûr. La seule façon de s'assurer que la marge est plus importante est de contrôler ce que l'on dépense. C'est donc une étape très importante qui a complètement changé la vision du sport et qui donne de la crédibilité au système.

Une activité durable signifie que les équipes peuvent investir et se développer. Toutes ont désormais leur place sécurisée et sont financièrement solides. Nous pouvons penser à un avenir plus grand. Penser à un avenir plus grand signifie que nous devons respecter ce qu’a été la Formule 1, tout en pénétrant de nouveaux marchés qui nous permettront potentiellement de nous développer, non seulement financièrement, mais aussi en termes de sensibilisation et de passion pour le sport.

Nous parlons d'une discipline qui a besoin d'émotion ; nous voulons concentrer l'attention principale sur la piste. Il s'agit donc d'organiser de grandes courses, de veiller à ce que les pilotes, qui représentent pour nous les joyaux, aient la possibilité de se battre entre eux ; d'ouvrir la possibilité de les voir grâce aux réseaux sociaux. Il est important d'entrer en contact avec la nouvelle génération. Nous devons créer différentes histoires pour différents types de fans.

Pourquoi les meilleurs patrons de F1 pensent à un « avenir plus grand »

Je ne me souviens pas avoir vu un tel afflux de nouveaux sponsors en F1 depuis l'interdiction de la publicité pour le tabac au milieu des années 2000. Quand vous parlez aux écuries actuelles, presque toutes refusent des sponsors maintenant.

GM : Je crois qu'elles le font, en effet, il n'y a plus beaucoup de place sur la voiture pour mettre un autre logo. La croissance de l'intérêt des personnes qui comprennent vraiment la technologie a été une avancée énorme. Regardez combien de voitures ont maintenant un sponsor technologique, si ce n'est plusieurs. Cela a ouvert une voie, mais vous avez aussi des fans qui sont plus occasionnels, qui apprécient peut-être les histoires des pilotes, les personnalités. Ensuite, il y a la jeunesse de nos fans. Selon une étude (le sondage mondial des fans par Motorsport Network en 2021), l'âge moyen a baissé de quatre ans. Cela a ouvert la voie à tout un tas de produits de consommation et à d'autres types de marques qui trouvent cela attrayant. Nous avons donc eu beaucoup de chance d'avoir toutes sortes de sponsors intéressés.

SD : Pensez simplement à l’importance de la cryptomonnaie. Nous avons dix marques différentes de crypto. Et je peux vous dire que c'est exactement pareil pour les entreprises de logiciels. [C'est] très sain. Cela signifie que pour la première fois, il n'est pas nécessaire d'avoir recours à des prêts, ce qui était normal dans le passé, pour s'assurer de la survie des équipes. Elles sont donc très solides. Et c'est une grande récompense pour leur investissement dans la discipline. C'est la raison pour laquelle nous pensons que l’ensemble des équipes en place doit être respecté. Aujourd'hui, le problème n'est pas d'avoir plus d'équipes, parce que nous avons une liste ; certaines d'entre elles se font plus entendre que d'autres, mais beaucoup de gens et d'investisseurs aimeraient être en Formule 1. Mais nous devons les protéger. C'est donc un autre signe d'un système très sain.

Pourquoi les meilleurs patrons de F1 pensent à un « avenir plus grand »

Est-ce que vous avez le bon nombre d'équipes maintenant, avec dix ?

SD : Je pense que oui. Tous ceux qui veulent entrer doivent être vraiment solides.

GM : En ce qui concerne le jeune public, nous sommes reconnaissants envers Netflix d’avoir ouvert la voie à un grand nombre de personnes. Mais ce qui est fascinant, c'est combien de ces personnes sont arrivées de différentes manières. Les réseaux sociaux ont joué une part énorme. Les jeux vidéo également : vous pouvez incarner Lando Norris et faire la même course que lui, c'est très attrayant pour beaucoup de jeunes fans. Cela n'existait pas il y a sept ans, ce n'était vraiment pas dans les plans. [Il s'agit] donc d'ouvrir le sport, de le rendre plus attrayant. Oui, il y a des éléments d'exclusivité, bien sûr, mais il y a des éléments auxquels tous les fans peuvent toucher.

Un autre de vos objectifs était de développer ce sport aux États-Unis. Nous avons vu Miami s'ajouter au calendrier cette année. La saison prochaine, nous aurons une troisième course aux États-Unis, à Las Vegas. Quelles sont les autres régions que vous souhaitez viser à l'avenir ?

SD : Il y a d'autres régions du monde qui veulent avoir la Formule 1. Et je pense que l'une des régions que nous voulons atteindre est l’Afrique, car il s'agit d'un championnat du monde. Nous travaillons très dur pour nous assurer que nous y aurons un Grand Prix très bientôt. Et puis il y a l'intérêt de l'Extrême-Orient. Et nous ne voulons pas perdre l'intérêt de l'Europe, bien sûr, parce que nous sommes nés ici et nous resterons ici − parce que, vous savez, j'entends beaucoup de choses qui ne sont pas vraies. La beauté de la situation actuelle est que nous avons beaucoup d'options.

L'une des principales stratégies futures est le passage, en 2026, à des carburants 100% durables. Nous présenterons effectivement cette technologie dans la plus grande discipline sportive au monde se déroulant sur l'ensemble d'une année. Et cela doit être transformateur.

SD : Je dirais que oui. Et je pense que nous voulons être réalistes. Nous voulons voir les choses se produire tout de suite. Et nous croyons que c'est une option qui permettra aux constructeurs d'être crédibles dans une dimension qui sera également rentable pour eux. Avec tout mon respect, nous savons qu'il n'est pas possible que l'électrification touche le monde entier d'ici à deux ans. Par conséquent, d'un point de vue technique également, nous pensons que le choix stratégique d'être durable avec des moteurs hybrides est le bon. Et c'est la raison pour laquelle d'autres constructeurs sont très intéressés à l'idée de nous rejoindre.

GM : Ce sport a évidemment beaucoup d'attributs positifs, nous pensons que nous pouvons être positifs en allant dans des endroits comme l'Afrique et en élargissant le public et l'intérêt du sport automobile dans le monde. Ce n'est pas nécessairement l'endroit où nous allons faire le plus d'argent. Mais si vous investissez sur le long terme, nous pensons que c'est la bonne opportunité. Je pense à la durabilité. Le cas des États-Unis, je le connais assez bien : il y a 250 millions de voitures aux États-Unis, dont 200 millions en circulation ; elles durent en moyenne plus de 11 ans [et] les gens achètent des voitures d'occasion. Au mieux, il y a 15 à 17 millions de nouvelles voitures par an. Si vous faites le calcul, même si un tiers ou la moitié d'entre elles sont électriques, il faudra beaucoup de temps avant de faire quoi que ce soit pour nettoyer le parc automobile existant de 200 millions de voitures. En réalité, si nous voulons vraiment nous attaquer au carbone, trouver d'autres moyens de faire rouler les 200 millions de voitures existantes est vraiment la bonne et la meilleure réponse. Je ne dis pas que nous allons tout guérir. Mais si nous pouvons contribuer à cette connaissance, si nous pouvons contribuer avec notre travail sur les carburants durables, je pense que c'est positif.

Nous avons parlé des cinq années de direction de Liberty Media, vous avez réalisé beaucoup de choses que vous aviez promises. Qu'en est-il des cinq prochaines années ?

GM : Nous avons l'avantage d'être à la tête d'une entreprise vieille de 72 ans. Nous pensons donc au long terme et à ce qu'elle fera. Nous avons beaucoup d'intérêt maintenant. Nous voulons soutenir la croissance de cet intérêt à plus grande échelle. Faire des choses comme aller en Afrique, et d’autres sur la durabilité, comme penser à la manière de développer cette franchise de 72 ans pour les cinq prochaines années et les cinq suivantes. Il y a un énorme élan aujourd'hui, et nous aimerions capitaliser là-dessus. Pas seulement sur le plan financier, mais aussi pour l'ensemble du sport.

Photo de: Steven Tee / Motorsport Images

Galerie: Pourquoi les grands patrons de la F1 pensent à un "avenir plus grand".

Source: Motorsport Images