Avec l'assouplissement à venir des normes en matière d'homologation des véhicules, le retrofit devrait rapidement prendre son essor en France. Le retrofit, c'est la conversion des véhicules thermiques en voitures électriques, en remplaçant simplement le moteur, la boîte de vitesses et l'échappement par un moteur électrique et un pack de batteries. 'Simplement' est un grand mot, puisque ça requiert toutefois un savoir-faire que de nombreuses start-up sont en train de développer en France.
C'est le cas de Transition-One, une start-up d'Orléans fondée par Aymeric Libeau, un entrepreneur dans le domaine des services numériques. Ancien casque bleu en ex-Yougoslavie, le PDG de Transition-One explique avoir compris qu'en temps de guerre, les populations sont prêtes à accepter des choses qu'elles n'accepteraient pas dans d'autres contextes. Et selon lui, l'urgence écologique actuelle et la transition qui doit être effectuée est "une guerre d'innovation" qui doit permettre de repousser les limites.
"Il n'y aura pas de grand soir"
Celui qui n'estime pas qu'une solution idéale existe pense qu'il faut que chacun agisse en créant des solutions alternatives qui, si elles n'intéressent pas tout le monde, pourront provoquer chez une partie de la population un certain intérêt à l'utiliser. Mais l'essentiel, c'est de chercher, même les petites avancées. "Il n'y aura pas de grand soir", prévient Aymeric Libeau, qui insiste sur le combat qu'il faut mener contre les émissions de CO2 : "Il n'y aura personne qui appuiera sur un bouton et pourra enlever le CO2. Je vais travailler avec des scientifiques pour voir comment les paysages seraient si on pouvait colorer le CO2."
"Quand on compare une centrale nucléaire avec une centrale charbon, tout le monde parle des déchets, mais les déchets sont surveillés, alors que le CO2 et d'autres déchets invisibles sont rejetés dans l'atmosphère. C'est moins inquiétant, mais les maladies sont présentes avec 18'000 morts par an dus au CO2, et il y a moins de morts avec le nucléaire. Je suis un promoteur du fait qu'il est mieux de charger avec de l'énergie renouvelable. Il est possible d'avoir un abonnement choisit d'avoir de l'énergie renouvelable à 100 %. Si l'on prend EDF, un challenger comme Engie, ou un mega-challenger comme ekWateur, on peut viser des solutions à 30 % d'énergies renouvelables, et ça ouvrira la demande."
Il revient sur la genèse du projet, qui est né avant tout d'une déception politique, mais aussi de l'ambition de changer les choses en gardant comme leitmotiv que tout changement, même mineur, peut être profitable. Et que toute difficulté à créer ce changement ne doit pas être un obstacle à l'idée de proposer le retrofit à de potentiels clients qui voudraient s'intéresser à l'électrique mais n'auraient pas les moyens d'avoir une voiture neuve.
"Si ça n'existe pas, il va falloir le faire"
"Je n'ai pas du tout un profil écologiste, je suis cofondateur d'une entreprise de services numériques", poursuit Aymeric Libeau. "Mais si je ne suis pas écologiste, je tiens à vivre avec mon temps. Je fais attention à ma mobilité, je ne prends pas l'avion pour rien, je prends beaucoup plus le train, je suis très pragmatique. Le projet est né le 6 juillet 2017, lorsque Nicolas Hulot a annoncé son plan climat, et je ne suis pas naïf mais un gouvernement avec Hulot et Emmanuel Macron, on s'attendait à quelque chose qui allait nous asseoir, mais ça n'a pas été le cas. Je n'étais pas déçu, mais ma réaction a été de dire 'si ça n'existe pas il va falloir de le faire', et ne pas tout attendre des autorités."
"Quand John Kennedy a dit 'Nous avons choisi d'aller sur la lune', il y a une phrase que j'adore dans le discours, c'est 'on va le faire non pas parce que c'est facile mais parce que c'est difficile'. Quand on va chercher les difficultés, la réussite a une autre saveur. J'avais ma propre mobilité, j'ai un Mercedes GLC hybride avec lequel j'essayais de faire les plus faibles consommations, et j'ai fait 9000 km en électrique sur les 26'000 de la voiture. Mais c'était le point de départ, et il fallait passer à l'action. Je suis convaincu qu'il faut des changements mais pour amener un changement, il faut que ce soit simple. Les résistances arrivent parce qu'on ne comprend pas ou qu'un critère n'est pas acceptable. Pourquoi les gens n'achètent pas de voiture électrique ? Parce que c'est cher."
La conversion électrique pour tous
Et c'est ce qui l'a poussé à décider d'industrialiser son processus. Son objectif idéal était de proposer une électrification à 3000 euros, mais le but en 2020 sera déjà d'atteindre les 5000 euros. Et pour cela, la façon de faire de Transition-One est simple, il s'agit d'industrialiser toutes les phases qui peuvent l'être, de manière à ne pas engager des personnes qui seraient là pour faire des tâches répétitives et sans valeur ajoutée.
"Pour moi, le prix est un facteur fondamental, le prix que je mets en avant c'est 5000 euros, après les aides. On sait qu'on aura des aides, mais on ne sait pas combien. Si je prêche pour ma paroisse je pose une question, est-ce qu'il faut aider ceux qui achètent une voiture à 25'000 euros, ou ceux qui cherchent moins cher ? C'est discutable. Ce qui est faisable, quel que soit le montant alloué, c'est de cumuler les aides régionales et départementales. Et c'est là qu'on proposera 5000 euros. Mon rêve, c'est d'arriver à le faire à 3000 euros pour ceux qui n'ont pas les moyens de le faire."
"J'ai deux préceptes : rien ne doit ralentir ma croissance, et là où il n'y a pas de valeur ajoutée, il n'y a pas d'homme. Quel est le job de quelqu'un qui doit faire tourner des voitures et faire des croix sur un formulaire ? Quelqu'un qui a un outil dans les mains et qui sert un écrou toute la journée, quelle est sa valeur ? On préassemble, on sort un groupe motopropulseur, on le remonte, on fait quelques petites choses et c'est fini, pour schématiser. La ou il y a peu de valeur ajoutée, et ou c'est répétitif, on doit automatiser pour ne pas ralentir la croissance."
De la même manière que ses homologues, Transition-One est un projet tout autant environnemental que social : "Ce n'est pas dissociable, il faut penser à l'environnement mais pas qu'à ça, aux conditions sociales. Si on dit 'on va faire quelque chose qui n'émettra plus de CO2 mais personne n'aura de job, ça ne marche pas. Il faut être pragmatique. Le stade ultime, c'est un particulier qui veut rétrofiter sa voiture, et ça se passe comme pour changer ses pneus. On évitera les options pour commencer, pour pas s'épuiser au départ. Il va choisir sa voiture, où il habite, et on lui proposera un partenaire agrée à moins de 100 km de chez lui où il amènera sa voiture et où il la récupérera électrique une demi-journée plus tard."
La voiture idéale pour aller au travail
Pour le moment, Transition-One a converti une Renault Twingo, qui est encore un prototype mais propose de bonnes bases pour d'autres modèles. La Citroën C1 et la Fiat 500 seront les prochaines voitures converties, afin de voir quelles pièces peuvent être industrialisées pour tous les modèles. Et bien évidemment, pour proposer un prix le plus bas possible, il s'agit surtout de mettre des petites batteries, puisque la start-up veut proposer 100 km d'autonomie et 110 km/h en vitesse de pointe. Outre les économies financières, cela permet aussi de n'augmenter le poids des voitures que de 15 kilos.
"Le trajet moyen pour aller au travail, c'est 26 km, et la moitié des automobilistes font moins de 10 km. C'est eux, le cœur de cible. Ceux qui me disent 'il faut mettre 200 km d'autonomie', ils ne sont pas éligibles. Beaucoup choisissent leur voiture pour 10 ou 15 jours par an. C'est comme climatiser sa maison pour 10 jours de canicule. On met des batteries de 25 kW, on ne touche pas à l'habitacle, on rajoute une tablette."
Cette tablette notera le nombre de kilomètres parcourus par la voiture, et les données seront accessibles à Transition-One, mais évidemment anonymes. Le but est de pouvoir compiler le nombre de kilomètres effectués par la totalité des voitures converties, et pouvoir montrer, au fil du temps, le CO2 économisé par la start-up. Cela permettra ainsi de quantifier l'objectif principal d'Aymeric Libeau, à qui l'on laisse le mot de la fin : "Il faut accepter le changement et revoir ses habitudes. Et quand on est capable de revoir ses habitudes, on est capable de changement."