En sortant son premier modèle 100 % électrique en 2019, Porsche semblait presque avoir pris le train de l'électrification en marche. Pourtant, la propulsion électrique est inscrite dans l'ADN de la marque, puisque le premier prototype à moteur 'zéro émission' date de 1898. Il s'appelait Egger-Loner C.2 Phaeton et fut créé par un Ferdinand Porsche alors âgé de 23 ans, employé par la firme Béla Egger et déjà à la recherche de technologies innovantes.
Le véhicule était propulsé par un moteur électrique octogonal et développait entre trois et cinq chevaux, ce qui lui permettait d'atteindre une vitesse de pointe de 25 km/h. Ferdinand Porsche a ensuite rejoint le fabricant autrichien de chariots Hofwagenfabrik Ludwig Lohner & Co, où il a développé un autre moteur. En 1900, le premier Lohner-Porsche Electromobile (photo de gauche ci-dessous) fut créé et présenté à Paris. Il pouvait atteindre 37 km/h avec ses deux moteurs de 2,5 chevaux, et la motivation de Lohner était de limiter la pollution d'un air "impitoyablement gâché par le grand nombre de véhicules thermiques".
Toujours en 1900, Ferdinand Porsche conçut également le premier véhicule hybride fonctionnel, le Semper Vivus ("toujours vivant" en latin, ndlr, photo de droite ci-dessus), qui ne fonctionnait pas avec une batterie comme source d'énergie, mais déjà comme les systèmes hybrides actuels tels que celui de Toyota, avec un soutien du moteur thermique pour envoyer de l'énergie à un générateur qui est responsable de la propulsion du véhicule. L'année suivante, le Semper Vivus s'appelait Mixte et était prêt à être produit en série, mais des problèmes qui font encore écho aujourd'hui sur le segment de l'électrique se présentaient : le véhicule pesait plus de deux tonnes à vide et le manque d'infrastructure, combiné à la faible autonomie du véhicule, enterra cette technologie pour plusieurs décennies.
Néanmoins, ces véhicules furent les premiers à s'inscrire dans l'ADN de la compétition présent chez Porsche, puisque l'Electromobile a remporté en 1899 une course de 50 km disputée en marge du Salon de Berlin, tandis que la Mixte a gagné l'Exelberg Rally en 1902. Dans le même temps, les progrès en vitesse étaient énorme puisque La Toujours Contente, véhicule électrique de 14 chevaux, a atteint 60 km/h en 1900, et que la Lohner-Porsche de 60 chevaux est montée à 130 km/h cinq ans plus tard.
Il faudra attendre 110 ans après la Mixte pour revoir une Porsche électrifiée, et en l'occurrence une 911 GT3 R Hybrid, qui servit de laboratoire de tests pour préparer le vrai retour de Porsche à l'hybride, et la première hypercar de la marque : la Porsche 918 Spyder. Sortie en 2013 face à la McLaren P1 et la Ferrari LaFerrari, la 918 Spyder était une hybride rechargeable mue par un V8 4.6 litres de 608 chevaux auquel étaient ajoutés un moteur électrique synchrone de 129 chevaux à l'avant, et un autre de 156 chevaux à l'arrière, portant la puissance totale de la bête à 887 chevaux, et son couple à 800 Nm. Malgré un poids de 1675 kilos, elle était capable d'abattre le 0 à 100 km/h en 2,6 secondes et d'atteindre 345 km/h en pointe, ce qui lui permit de boucler un tour du Nürburgring en 6 minutes et 57 secondes. Avec une moyenne de consommation grotesque de 3 l/100 km en cycle NEDC, la 918 Spyder était toutefois capable de parcourir 31 km en tout électrique.
Une technologie que Porsche n'a pas développée que pour son hypercar vendue à 918 exemplaires puisque deux ans plus tard, la Panamera S E-Hybrid voyait le jour, devenant la première berline luxueuse hybride rechargeable, avec 416 chevaux et une autonomie en tout électrique de 36 kilomètres. Depuis le modèle a été décliné en plusieurs variantes de puissance et le Cayenne a aussi reçu sa déclinaison PHEV. Porsche se félicite que ces véhicules soient "les véhicules les plus sportifs de leur catégorie respective, non pas en dépit de leur système hybride, mais grâce à celui-ci".
Et la firme a concrétisé toutes ces recherches sur l'hybride en compétition aussi, et dès 2015 (photo de gauche ci-dessus), avec l'engagement pour trois ans d'un programme en WEC, le championnat du monde d'endurance, où deux équipages étaient engagés à temps plein et où un était ajouté pour les 24 Heures du Mans. Après trois victoires dans la Sarthe et trois titres mondiaux en autant de saisons, Porsche a arrêté son programme, non sans offrir une retraite sportive à sa 919, qui est devenue la Porsche 919 Hybrid EVO pour l'occasion, subissant au passage quelques retouches sortant du cadre du règlement WEC et destinées à lui faire battre des records. À ce jour, elle est d'ailleurs la voiture la plus rapide de l'Histoire sur la Nordschleife (photo de droite), avec un temps phénoménal de 5'19"546.
Même si l'hybride continue de faire les beaux jours de la firme de Stuttgart, c'est aujourd'hui l'électrique qui est au centre de ses préoccupations, que ce soit en compétition ou pour ses modèles de route, puisque 2019 marque le lancement, dans les deux secteurs, d'un tout nouveau programme 'zéro émission' pour faire basculer la marque vers les technologies d'avenir, dans lesquelles elle compte bien conserver sa notoriété et son statut.
En compétition, cela va se traduire dès le mois de novembre par une participation à la saison 6 de Formule E avec la 99X Electric, sa première monoplace 100 % électrique, qui répond aux caractéristiques 'Gen2' du championnat, en vigueur depuis la cinquième saison de la discipline. Bien que peu d'objectifs ne soient fixés pour sa première année de participation, Porsche aura de gros enjeux en Formule E puisqu'il y affrontera Audi, BMW et Mercedes, ses rivaux directs sur le marché automobile.
Un marché automobile sur lequel Porsche veut aussi s'illustrer face à ses rivales, qui prévoient toutes de sortir des berlines électriques (respectivement l'e-tron GT, la i4 et la EQS). Du côté de la marque créée par Ferdinand Porsche, c'est la Taycan qui sera chargée de mener l'assaut sur le marché 'zéro émission', 120 ans après les premiers balbutiements de la propulsion électrique conçue par ce même Ferdinand Porsche, et qui rapprochera un peu plus le constructeur des rêves précurseurs de son fondateur.