La deuxième manche de la Saison Alpha de Roborace, la discipline de sport mécanique 100 % autonome, a eu lieu à Modène. InsideEVs était présent et a eu l'occasion d'interroger Bryn Balcombe, responsable de la stratégie de développement sportif et technique de la discipline. Le Britannique nous a accordé une demi-heure d'interview dans laquelle il nous a expliqué en détail le fonctionnement de Roborace lors de ces premières saisons expérimentales où est utilisé le Devbot 2.0, mais aussi la vision à long terme sur les plans technique et marketing.

Quelle est la vision globale de l'automobile, au sein de Roborace ?

"Il y a deux visions. La première est de voir la mobilité comme un service, la voiture pilotera de manière autonome et ça ne sera plus un humain qui conduira. Ce n'est pas pourquoi on achète une Ferrari, une Lamborghini ou une Pagani, on les achète pour le plaisir de conduite. On utilise l'IA pour améliorer cette conduite, et c'est ce qu'on fait avec la plateforme Devbot. Le Devbot peut être conduit par un humain, il peut être 100 % autonome, et l'on peut voir l'interaction entre l'humain et l'intelligence artificielle."

Ces interactions servent-elles à faire progresser les pilotes artificiels ?

"On peut faire des comparaisons entre les deux. Dans le futur, ce qu'on imagine, c'est que vous pourrez acheter une Ferrari, l'emmener pour faire des expériences Track Days, vous serez conduit par l'IA qui vous montrera comment aller le plus vite, vous apprendra à piloter, et pourra agir comme un entraîneur afin de vous contrôler dans le véhicule. C'est une nouvelle vision des supercars pour le futur et nous sommes la parfaite plateforme pour développer cette technologie."

Vous dites qu'on sera conduits par l'IA, comment les intelligences artificielles peuvent-elles bénéficier à l'homme ?

"La voiture apprendra à conduire, c'est comme avoir un moniteur de conduite à vos côtés, quand j'avais 16 ans, j'avais un moniteur qui faisait les mêmes tâches que moi, étudiait l'environnement et m'aidait à me déplacer dans cet environnement. Ce sera similaire avec les IA dans le futur, afin d'aider les jeunes pilotes, les pilotes en herbe, et ça pourra être un système de sécurité conscient de son environnement."

Et comment cela se traduira, en pratique ?

"Cela peut prendre différentes apparences, ça peut être un entraîneur vocal, qui vous explique quoi faire, et une expérience visuelle, se rapprochant d'un jeu vidéo en réalité augmentée, avec les informations qui s'afficheraient en piste comme si vous étiez en train de jouer à un jeu vidéo."

Roborace

Où se fait la différence entre les équipes ?

"Le rôle de Roborace est comme la F1 ou la FE, c'est un championnat dans lequel les équipes s'engagent. Nous sommes une entreprise de divertissement, mais nous définissons ce qu'est la compétition d'un point de vue, et chez nous c'est le logiciel. Le logiciel est développé par les équipes et elles choisissent comment elles l'intègrent à la voiture. Les voitures sont les mêmes, les unités de puissance sont les mêmes, seuls les logiciels changent. Ici, nous avons roulé avec l'Université de Munich et l'Université de Pise. Et on a bien plus d'équipes en tests privés."

Des équipes connues dans le sport automobile ? Des constructeurs ?

"Oui, on est en discussions avec beaucoup de constructeurs, beaucoup d'équipes de course, mais on veut développer le talent des pilotes. Dans toute équipe de course, il faut des pilotes de talent et il faut qu'ils soient entraînés, et c'est l'objectif de ces Saisons Alpha et Beta. C'est un Championnat de pilotes, on compare le talent des pilotes dans une discipline sans pilotes, c'est paradoxal."

Pouvez-vous nous donner des noms ?

"Nous ne pouvons pas donner de noms. Certaines équipes travaillent déjà avec nous en privé et certaines d'entre elles seront annoncées plus tard cette année."

Comment faites-vous interagir l'humain et l'intelligence artificielle, dans la pratique ? Choisissez-vous de rendre le pilote virtuel plus ou moins agressif ?

"L'un des gros bénéfices du Devbot est que l'humain peut piloter, signer un temps de référence et comparer sa performance avec celle de l'IA, voir si les points de freinage sont les mêmes, si les vitesses sont les mêmes et ainsi de suite. Les voitures courent déjà les unes contre les autres, on a fait trois simulations de course, ici à Misano. Les voitures ont eu un accident. Le plus important est que les IA choisissent comment elles pilotent, rien n'est orchestré par Roborace, on ne choisit pas le vainqueur, et c'est le choix des développeurs pour ce qui est de l'agressivité de leur IA."

Et les voitures peuvent donc déjà interagir entre elles ?

"On a défini un point de dépassement, ici à Modène, qui est dans la ligne droite de départ et arrivée et au premier freinage. Pour l'instant, on expérimente et on ne code qu'un point de dépassement pour obtenir des interactions sécurisées avant de passer à une compétition plus intense. L'idée de cette Saison Alpha est d'arriver à faire interagir deux intelligences artificielles ensemble sur la même piste."

Comment effectuez-vous la transition entre le pilote humain et l'intelligence artificielle ?

"Les premiers tours sont faits par l'humain pour établir la cartographie, les premiers tours effectués par l'IA sont faits avec un pilote pour la sécurité, à des vitesses faibles d'environ 100 km/h. Après ça, l'humain sort de la voiture et l'on relance les voitures à un rythme plus important. Ici, on a atteint 196 km/h en bout de ligne droite. On ne met pas d'humain dans la voiture pour aller plus vite que 100 km/h. Je dis bien 'humain' car il y a un pilote dans la voiture, c'est le logiciel."

Roborace
Roborace

Pourquoi avoir choisi Michelin comme fournisseur de pneumatiques ?

"Michelin a une grande histoire en sport auto, ce sont des pneus de route, et Roborace veut développer des technologies pertinentes sur la route, pas comme en Formule 1 où les pneus ne servent qu'en F1. Même en Formule E, ce sont des pneus sur-mesure, alors qu'ici, ce sont des pneus de route que vous pouvez acheter pour n'importe quelle voiture. On a pris des décisions au niveau de la taille des roues, et Michelin et Pirelli étaient les seuls à pouvoir fournir des pneus de route de la bonne taille."

La voiture est bardée de capteurs et de caméras, avez-vous un seul fournisseur ? Dans quelle mesure les équipes peuvent intervenir sur les réglages de la voiture ?

"Nous nous fournissons chez plusieurs partenaires, les équipes peuvent choisir quel matériel elles utilisent et comment elles les combinent, mais nous fournissons toutes les données et tous les réglages de base. Les seuls réglages effectués par les équipes sont la direction, l'accélération et le freinage, comme un vrai pilote."

Avez-vous déjà testé la voiture sous la pluie ?

"Oui elle l'a été puisque nous sommes basés au Royaume-Uni (rires), donc on l'a beaucoup testée. C'est toujours plus difficile, même pour un pilote humain, de réussir à comprendre l'adhérence sous la pluie, de trouver les limites."

Roborace

Par la suite, allez-vous essayer de développer les voitures dans différents environnements ?

"Le prochain événement sera une course de côte au Royaume-Uni en juin. C'est très intéressant, les humains s'adaptent à beaucoup d'environnements très facilement, beaucoup de voitures, et même à des motos. Les intelligences artificielles sont beaucoup plus limitées pour l'instant et dessinées pour une fonction spéciale. On avait réussi à faire rouler deux voitures ensemble sur un circuit de Formule E, et c'était dans un environnement très spécifique, entre deux murs. Et on a des circuits comme Modène, qui sont faits d'une autre manière [le circuit est plus vallonné et sans murs en bord de piste]. Faire une course de côte sera encore un autre environnement."

Que prévoyez-vous pour impliquer le public dans le Championnat ? Avez-vous des idées à l'image du Fanboost en Formule E ?

"Nous avons une possibilité d'engager les fans. On pourrait très bien lier les IA à un simulateur, ce qui permettrait de faire participer des personnes qui ne sont pas sur la piste. Ce qui est très bien avec Roborace, c'est que les voitures physiques peuvent réagir à un objet virtuel. On pourrait avoir des voitures réelles pilotées par l'IA et des voitures virtuelles pilotées par un pilote eSport interagissant sur la piste en même temps, c'est l'étape suivante. Et les spectateurs ne verraient pas la différence à l'écran entre voitures réelles et voitures virtuelles. C'est aussi un moyen d'attirer les enfants vers la course automobile, qu'ils puissent s'y impliquer. Mais d'abord, il nous faut des pilotes virtuels avant de pouvoir faire ce produit marketing intéressant."

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