En cette campagne 2018-19 de Formule E, la hiérarchie est chamboulée. Les quatre pilotes les plus victorieux de l'Histoire du championnat – Sébastien Buemi, Lucas di Grassi, Sam Bird et Jean-Éric Vergne, avec 35 victoires et 84 podiums à leur actif en 53 courses – sont tous hors du top 3 du classement général à l'issue des huit premières épreuves de la saison, cumulant trois succès et six podiums seulement.

Dans le même temps, bien qu'ils aient quelque peu peiné à concrétiser en course, les rookies ont réalisé des performances remarquables, avec quatre pole positions pour Oliver Rowland, Stoffel Vandoorne et Pascal Wehrlein sur les cinq dernières manches – dont deux pour un Rowland qui n'a pourtant quasiment pas pu faire d'essais avant de débarquer en Formule E. En comparaison, lors des trois campagnes précédentes, seuls deux débutants étaient parvenus à prendre l'avantage en qualifications : Felix Rosenqvist et Alex Lynn en saison 3.

Qu'en disent les vétérans du plateau ? Pour Lucas di Grassi, Champion en 2016-17, ce nouveau rapport de force est lié non seulement au fait qu'une nouvelle monoplace a été adoptée cette saison (avec une puissance et une autonomie accrues notamment) mais aussi aux aides au pilotage qui se multiplient depuis quelques années.

"Avec la Gen2, on repart de zéro", analyse di Grassi pour InsideEVs. "L'expérience que nous avons, c'est que nous connaissons peut-être un peu [mieux] les circuits. Si nous avions continué avec la même voiture et des formats de course similaires, je pourrais dire [que l'expérience nous aide], mais la Gen2 représente un niveau bien supérieur. Tout l'avantage que nous avions avec l'expérience… Les pneus, la voiture, la puissance, les qualifications, le pilotage sont différents. L'expérience n'aide qu'un peu sur certains circuits que nous connaissons, comme celui-là [Paris, ndlr]. Sinon, pas trop. C'est pour ça qu'il y a beaucoup de gars qui débarquent dans le championnat et sont si performants."

"Avec cette voiture, l'ordinateur contrôle beaucoup de facteurs : la régénération, l'énergie, beaucoup de choses qui étaient gérées manuellement par le pilote avec la Gen1. On a moins de choses auxquelles penser, on ne fait que piloter. On a aussi plus de puissance ; la voiture est légèrement plus rapide mais légèrement plus stable. Le freinage est meilleur. Au final, pour moi, c'est une voiture légèrement plus facile à piloter que la Gen1."

Ce point de vue est corroboré par l'opinion donnée par Sam Bird à notre micro, évoquant des technologies actuellement utilisées qui n'existaient pas avant 2016 : "Maintenant, c'est relativement facile de débarquer sans avoir de problèmes. Il y a trop de systèmes sur la voiture qui nous aident. Je me rappelle les deux premières années, il n'y avait pas ces systèmes automatisés et ces bips, il fallait savoir comment faire le lift-and-coast et régénérer l'énergie – c'était un art ! Nous nous sommes éloignés de ça, et avec le format de course actuel, s'il y a une voiture de sécurité, la course se fait à fond."

Il n'empêche que piloter une Formule E demeure un défi, en témoignent les nombreux accidents et pertes de contrôles constatés lors des dernières courses. Selon André Lotterer, triple vainqueur des 24 Heures du Mans, c'est même moins aisé qu'une LMP1 !

"Croyez-le ou pas, mais il n'y a rien de plus difficile à piloter que la Formule E, même sur le sec", affirme sans détour le pilote DS Techeetah. "Dans d'autres catégories – quand on va à 350 km/h au Mans – c'est très facile avec l'appui et tout. Ici, on prie à chaque freinage, c'est vraiment un challenge et ça rend la Formule E très imprévisible. Il y a beaucoup de choses à faire au volant pour le pilote, et c'est cool, mais aujourd'hui [à Paris, ndlr], il y avait moins de grip que jamais auparavant. Même aux trois quarts de la ligne droite, j'avais du patinage."

Si un seul rookie a gagné une course dans l'Histoire de la Formule E, Felix Rosenqvist à l'E-Prix de Berlin 2017, nul doute que Rowland, Wehrlein, Vandoorne et même Alexander Sims ou Felipe Massa vont tenter de reproduire cet exploit lors des cinq dernières manches de la saison.